7 juin 2011

Vatican II, le Retour

«La (...) sainte Église, notre Mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées, car, depuis la création du monde, ce qu'il y a d'invisible se laisse voir à l'intelligence grâce à ses œuvres. Toutefois, il a plu à sa sagesse et à sa bonté de se révéler lui-même au genre humain ainsi que les décrets éternels de sa volonté par une autre voie, surnaturelle celle-là : Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis à nos Pères par les prophètes, Dieu, tout récemment, nous a parlé par le Fils.
   C'est bien grâce à cette révélation divine que tous les hommes doivent de pouvoir, dans la condition présente du genre humain, connaître facilement, avec une ferme certitude et sans aucun mélange d'erreur, ce qui dans les choses divines n'est pas de soi inaccessible à la raison. Ce n'est cependant pas pour cette raison que la révélation doit être dite absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans son infinie bonté, a ordonné l'homme à une fin surnaturelle, à savoir la participation aux biens divins qui dépassent absolument ce que peut saisir l'esprit humain. Car l'œil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu et n'est pas monté au cœur de l'homme ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment.» - Du Concile Vatican I, Constitution Dogmatique Dei Filius, chap II -.
Cet extrait de la constitution dogmatique Dei Filius, rédigée au moment du premier concile du Vatican fait état de deux voies de connaissance en ce qui concerne les choses divines : la raison d'une part, la révélation d'autre part. 
En lisant ces lignes, nous pouvons songer en premier lieu au contexte de l'époque, qui appelait un arbitrage de l'Eglise au sujet des relations entre foi et raison. Les catholiques de la fin du XIXème pouvaient se trouver personnellement heurtés  par des courants de penses rationalistes revendiquant la suprême autonomie du sujet par rapport à toute autre instance, et aussi divisés intérieurement, sans bien savoir comment accueillir en conscience la foi catholique : un des débats intellectuels de l’époque était de savoir ce que la raison pouvait apporter à la démarche du croyant et d'un autre côté si objectivement, la foi était faite pour vraiment accomplir l'homme. Attaqués de toute part par les courant rationalistes - issus massivement des pensées d'E. Kant, A. Comte et Hegel -, les croyants du XIX siècle  pouvaient être tentés d'évacuer purement et simplement la question : ils pouvaient alors mettre la raison de côté pour ne croire que par obéissance c'est-à-dire en répétant fidèlement, sincèrement ce que le Magistère de l'époque proclamait mais sans vraiment pour autant s’approprier ses enseignements. Ils pouvaient donc être tentés d’être fidéiste c’est-à-dire de faire preuve d’une foi que nous dirions aujourd’hui aveugle concernant les enseignements de l’Eglise ; une sorte de réaction d'autodéfense pour préserver un bien essentiel dans cette période d’hostilité rationaliste.  
Il faut dire que les attaques étaient sévères. E. Kant, dans son projet de refonte de la métaphysique avait défendu l'idée que, décemment, il ne pouvait y avoir d'intuition que sensible ; ce qui reléguait Dieu à une sorte de concept limite dont chacun peut, en soi-même seulement, éprouver la nécessité. Et pour Kant, la religion est véritablement opium dans la mesure où elle indique à l'homme une morale et même, un sens à sa vie qu'il pourrait assurément trouver par lui-même et en lui seul ; elle n'est qu'une perte de temps en somme. Quant à Jésus, dans cette perpective, il est bien l'envoyé de Dieu mais selon qu'il représente l'accomplissement, la perfection de ce que la raison pratique peut par elle-même trouver, il est l'homme moral accompli par excellence. Dans le système de Kant la raison prend donc une place prépondérante, elle se base sur les intuitions des sens pour avec l’entendement établir des règles d'action morale, voilà son seul usage. Pour tenter de résumer brièvement cette vue (!), nous pourrions dire avec des termes plus contemporains que pour Kant, ce qui est extérieur à l’homme, l’altérité vers laquelle il tend et qui doit représenter son but essentiel est le fait de s’édifier en moralité par le biais d’une raison en espérance capable d’établir des règles valables universellement.  
En régime catholique, la morale est certes importante mais elle est un des fruits naturels de la relation personnelle que le croyant entretient avec Dieu, une relation non purement directe comme une sorte d’illumination permanente de l’esprit par l’Esprit mais instituée par un Dieu parlant au croyant de différentes manières selon l’entière connaissance qu’il a de lui, sa créature. D'autre part, pour le chrétien, la raison permet absolument de connaitre Dieu et de plus, cette connaissance atteint sa pleine réalisation à la lumière de la Révélation, comme l'extrait de Dei Filius que nous avons lu plus haut le stipule. De la sorte, en régime chrétien, la savoir possède un sens et une rationalité proprement téléologiques : par nature, il trouve achèvement en Dieu même. Ainsi, l’altérité à laquelle l’homme se trouve naturellement confrontée n’est pas avant tout une somme de règles morales trouvées par l’homme et faites pour l’améliorer mais une altérité divine qui se communique en permanence et qui ne peut ni se comprendre ni s'appréhender hors de ce que Dieu a dit et vécu au moment de présence sur terre dans la personne de son Fils. En somme, ce que l’homme est en droit de percevoir pour diriger son agir et plus encore, pour se comprendre et s’accomplir se trouve dans ce que le Christ lui communique et continue de lui communiquer dans sa seule personne, non des règles forgées par le seul truchement des sens et de l’entendement. Cependant, il nous faut dire que ce dernier argument n’était pas tout à fait accessible aux chrétiens contemporains de Dei Filius. En effet, ce qu’il est de coutume de reprocher à cette constitution dogmatique de Vatican I - concile qui dû être arrêté à cause de la guerre de 1870 - c’est d’avoir trop séparer raison et Révélation, les associant trop facilement à deux voies de connaissance juxtaposées, une voie naturelle, de raison d’une part et une voie surnaturelle, divine d’autre part. En maintenant cette dissociation, il était alors facile pour des penseurs rationalistes et plus particulièrement, des penseurs athées de ne privilégier qu’une seule approche, celle, toute naturelle de la raison

Mais redisons le, Vatican I fut stoppé en cours de route, il fallu donc attendre le second concile du Vatican pour que la Révélation soit proprement présentée comme un lieu d’assentiment de l’intelligence et de la volonté humaine dans lequel l’Esprit de Dieu soutient et vivifie les croyants. On trouve ainsi : « Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de cette Révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite» - Concile Vatican II, Constitution Dogmatique Dei Verbum § 5 -.

2 commentaires:

  1. J'ai lu votre article avec beaucoup d’intérêt. Je n'ai pas les compétences philosophiques et théologiques permettant de discuter de ce passionnant sujet, entre la vérité catholique révélée et la vérité catholique raisonnée, deux principes, qui sont à mon avis très complémentaires.

    Cependant, une question et un commentaire. Ma question: est-ce que la révélation précède toujours la raison ? Si alors la raison aurait toujours besoin de la révélation, cette dernière doit-elle obligatoirement être interprétée par la raison ? Plus clairement, raison et révélation sont-elles dissociables ou doivent se joindre pour édicter une vérité ?

    Ma remarque concernera simplement le constat que Dieu nous révèle toujours les choses avec une diversité extraordinaire de biais, et avec une simplicité où l'on reconnait bien le Dieu qui sait se faire tout petit, malgré sa Grandeur.
    Ainsi, Pie IX s'est décidé à proclamer le dogme de l'Immaculée Conception (1854) après avoir consulté un jeune garçon de 12 ans.

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  2. Merci pour votre réaction. Elle fait l'objet d'un nouvel article dans ce blog, - voir article suivant.
    Cordialement,
    Jean-Baptiste Perche

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