22 juin 2011

Foi et Raison, deux réalité qui s'ignorent ?

Voici aujourd'hui la réponse à une réaction apportée à l’article du 3 juin dernier et que je publie sous forme d’un nouvel article. 
«J'ai lu votre article avec beaucoup d’intérêt. Je n'ai pas les compétences philosophiques et théologiques permettant de discuter de ce passionnant sujet, entre la vérité catholique révélée et la vérité catholique raisonnée, deux principes, qui sont à mon avis très complémentaires.






Cependant, une question et un commentaire. Ma question: est-ce que la révélation précède toujours la raison ? Si alors la raison aurait toujours besoin de la révélation, cette dernière doit-elle obligatoirement être interprétée par la raison ? Plus clairement, raison et révélation sont-elles dissociables ou doivent se joindre pour édicter une vérité ?

Ma remarque concernera simplement le constat que Dieu nous révèle toujours les choses avec une diversité extraordinaire de biais, et avec une simplicité où l'on reconnait bien le Dieu qui sait se faire tout petit, malgré sa Grandeur. 
Ainsi, Pie IX s'est décidé à proclamer le dogme de l'Immaculée Conception (1854) après avoir consulté un jeune garçon de 12 ans.»

Tout d’abord, merci d’avoir pris le temps d’offrir une réaction à ce Blog. Aussi, je tiens à m’excuser pour le délai de ma réponse, quelques soucis informatiques m’ont empêché de vous répondre plus tôt. 
Votre question semble toucher un des points tout à fait essentiels du rapport entre foi et raison. Permettez-moi de revenir sur quelques termes utilisés dans votre question. 

«Ma question: est-ce que la révélation précède toujours la raison ?»

Pour tenter de vous répondre, je m'interrogerai en premier lieu sur l’utilisation  du verbe «précéder». Evoquer une préséance de la révélation sur la raison semblerait suggérer à mon sens un rapport d’antériorité, qui serait soit, temporel - qui suggérerait qu’il convient d’attendre que Dieu parle pour raisonner ? - soit, qualitatif - du point de vue raisonnable, rien ne serait vraiment certain, à moins que la révélation de Dieu fût connue -. Rappelons que nous évoquons ici deux notions dont l’une est une autocommunication de Dieu envers l’homme, la Révélation - sa totale, entière et libre manifestation dans l’histoire - afin de l’élever à l’accomplissement le plus plénier et l’autre une simple faculté humaine, la raison mais qui est sans doute l’une des plus hautes et assurément l’une de celles qui donnent le plus à percevoir la nature du projet que Dieu au sujet de l’homme. Nous sommes donc en présence de deux notions appartenants toutes deux à deux ordres bien différents, l’une de l’ordre du divin et l’autre de l’humain - pourrai-on dire -. Cependant, il demeure difficile de penser que Dieu en s’autorévélant n’exploite pas le singulière capacité qu’à l’homme et que nous appelons raison, surtout si celle-ci par elle-même manifeste au genre humain sa très grande dignité. je n’utiliserait donc peut-être pas la notion de préséance mais au sujet de la raison, je parlerais d’une réalité conférée par Dieu à l’homme afin de rendre ce dernier à même de communiquer avec lui. 
«cette dernière doit-elle obligatoirement être interprétée par la raison ?»
Le contenu de la révélation est assurément accessible à la raison mais on doit ajouter aussitôt que rien de ce que Dieu a révélé n’est proprement inaccessible à l’homme non parce que Dieu serait en lui-même purement et immédiatement intelligible à l’homme mais parce que la raison n’est pas la seule voie de perception qui lui est conférée. Vatican I a ainsi pu indiqué que la raison représentait un mode de connaissance assuré de la révélation divine mais a voulu faire aussi comprendre qu’elle n’était pas non plus le seul canal par lequel Dieu pouvait se donner à connaitre. Aujourd’hui, il est très fréquent de parler d’expérience de Dieu ; ce qui suggère que Dieu s’est donné et se donne à ce point que l’homme doit livrer la totalité de sa personne pour permettre en lui une réponse à Dieu.  - Par son intellect mais encore par son jugement, ses sens et aussi sa sensibilité, son corps, par tout ce qui le caractérise et tout ce dont il est capable, il entreprend un périple vers Dieu. - 




Pour tenter qualifier le rôle joué par la raison dans cette expérience, nous pourrions dire que la compréhension du Dieu révélé en Jésus-Christ que la raison offre permet une perception objective de ce vers quoi, subjectivement - ie : comme sujet -., il faut tendre  De façon un peu ramassée, on pourrait dire que, celui qui accepte de livrer l’assentiment de son intelligence mais aussi de tout son être à la révélation témoigne d’une interprétation de la révélation en elle-même. Je songe ici à plusieurs figures de sainteté qui ont pu émergés en plein milieu de cette époque tourmenté que j’ai pu décrire : le savoir théologique très simple d’une Thérèse de Lisieux, la modeste instruction d’une Bernadette Soubirous n’étaient-ils pas autant de signes que ce que Dieu produit en l’homme n’est pas en premier lieu somme de connaissances obtenues après un dur labeur mais bien un véritable renouvellement en vue du témoignage de toute une personne. . 

«raison et révélation sont-elles dissociables ou doivent se joindre pour édicter une vérité ?»











Nous avons donc bien compris que raison et révélation de peuvent être proprement dissociées chez celui qui croit : la révélation, qui ne se limité pas à un contenu de vérités vient orienter toute la personne en communiquant par la raison une voie toute personnelle menant à Dieu.  Mais en outre, nous pourrions ajouter que le contenu de la révélation sert de guide à la raison elle-même. En effet, l’objet même de la révélation c’est le Christ et vouloir rechercher la vérité implique de passer par une rencontre avec lui. Aussi cette rencontre est-elle décisive car rien de ce qui vient de Dieu ne sera véritablement perçu à moins de faire le choix durable et authentique d’une véritable intimité avec Jésus. Voilà donc précisément ce que la raison doit viser : elle doit rechercher par elle-même et en elle-même comment elle peut guider le sujet au Christ, la Vérité. De la sorte, pour le chrétien, la vérité n’est pas seulement un contenu énoncé mais elle est elle-même révélée comme l’énoncé, Dieu fait homme, une personne vers laquelle toute les dimension de la personne doivent converger. La vérité incarnée. 

Concernant votre remarque, je ne peux qu’agréer au fait que Dieu aime à se manifester de manière humble et sobre. La proclamation du dogme de l’immaculée conception par Pie IX en 1854 fut le fruit de la consultation de l’ensemble de évêques mais n’arriva que parce que la possibilité de ce dogme eut été pendant plusieurs siècles - précisément, depuis la fin de l’époque patristique  - l’objet d’une méditation constante et parfois passionnée de la part des chrétiens. La proclamation de ce dogme ne fit en réalité que manifester l’assentiment de toute la chrétienté au fait que, de part sa maternité même, la Vierge Marie devait assurément, dès sa naissance, avoir été exempte de toute propension au péché.  

7 juin 2011

Vatican II, le Retour

«La (...) sainte Église, notre Mère, tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées, car, depuis la création du monde, ce qu'il y a d'invisible se laisse voir à l'intelligence grâce à ses œuvres. Toutefois, il a plu à sa sagesse et à sa bonté de se révéler lui-même au genre humain ainsi que les décrets éternels de sa volonté par une autre voie, surnaturelle celle-là : Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis à nos Pères par les prophètes, Dieu, tout récemment, nous a parlé par le Fils.
   C'est bien grâce à cette révélation divine que tous les hommes doivent de pouvoir, dans la condition présente du genre humain, connaître facilement, avec une ferme certitude et sans aucun mélange d'erreur, ce qui dans les choses divines n'est pas de soi inaccessible à la raison. Ce n'est cependant pas pour cette raison que la révélation doit être dite absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans son infinie bonté, a ordonné l'homme à une fin surnaturelle, à savoir la participation aux biens divins qui dépassent absolument ce que peut saisir l'esprit humain. Car l'œil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu et n'est pas monté au cœur de l'homme ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment.» - Du Concile Vatican I, Constitution Dogmatique Dei Filius, chap II -.
Cet extrait de la constitution dogmatique Dei Filius, rédigée au moment du premier concile du Vatican fait état de deux voies de connaissance en ce qui concerne les choses divines : la raison d'une part, la révélation d'autre part. 
En lisant ces lignes, nous pouvons songer en premier lieu au contexte de l'époque, qui appelait un arbitrage de l'Eglise au sujet des relations entre foi et raison. Les catholiques de la fin du XIXème pouvaient se trouver personnellement heurtés  par des courants de penses rationalistes revendiquant la suprême autonomie du sujet par rapport à toute autre instance, et aussi divisés intérieurement, sans bien savoir comment accueillir en conscience la foi catholique : un des débats intellectuels de l’époque était de savoir ce que la raison pouvait apporter à la démarche du croyant et d'un autre côté si objectivement, la foi était faite pour vraiment accomplir l'homme. Attaqués de toute part par les courant rationalistes - issus massivement des pensées d'E. Kant, A. Comte et Hegel -, les croyants du XIX siècle  pouvaient être tentés d'évacuer purement et simplement la question : ils pouvaient alors mettre la raison de côté pour ne croire que par obéissance c'est-à-dire en répétant fidèlement, sincèrement ce que le Magistère de l'époque proclamait mais sans vraiment pour autant s’approprier ses enseignements. Ils pouvaient donc être tentés d’être fidéiste c’est-à-dire de faire preuve d’une foi que nous dirions aujourd’hui aveugle concernant les enseignements de l’Eglise ; une sorte de réaction d'autodéfense pour préserver un bien essentiel dans cette période d’hostilité rationaliste.  
Il faut dire que les attaques étaient sévères. E. Kant, dans son projet de refonte de la métaphysique avait défendu l'idée que, décemment, il ne pouvait y avoir d'intuition que sensible ; ce qui reléguait Dieu à une sorte de concept limite dont chacun peut, en soi-même seulement, éprouver la nécessité. Et pour Kant, la religion est véritablement opium dans la mesure où elle indique à l'homme une morale et même, un sens à sa vie qu'il pourrait assurément trouver par lui-même et en lui seul ; elle n'est qu'une perte de temps en somme. Quant à Jésus, dans cette perpective, il est bien l'envoyé de Dieu mais selon qu'il représente l'accomplissement, la perfection de ce que la raison pratique peut par elle-même trouver, il est l'homme moral accompli par excellence. Dans le système de Kant la raison prend donc une place prépondérante, elle se base sur les intuitions des sens pour avec l’entendement établir des règles d'action morale, voilà son seul usage. Pour tenter de résumer brièvement cette vue (!), nous pourrions dire avec des termes plus contemporains que pour Kant, ce qui est extérieur à l’homme, l’altérité vers laquelle il tend et qui doit représenter son but essentiel est le fait de s’édifier en moralité par le biais d’une raison en espérance capable d’établir des règles valables universellement.  
En régime catholique, la morale est certes importante mais elle est un des fruits naturels de la relation personnelle que le croyant entretient avec Dieu, une relation non purement directe comme une sorte d’illumination permanente de l’esprit par l’Esprit mais instituée par un Dieu parlant au croyant de différentes manières selon l’entière connaissance qu’il a de lui, sa créature. D'autre part, pour le chrétien, la raison permet absolument de connaitre Dieu et de plus, cette connaissance atteint sa pleine réalisation à la lumière de la Révélation, comme l'extrait de Dei Filius que nous avons lu plus haut le stipule. De la sorte, en régime chrétien, la savoir possède un sens et une rationalité proprement téléologiques : par nature, il trouve achèvement en Dieu même. Ainsi, l’altérité à laquelle l’homme se trouve naturellement confrontée n’est pas avant tout une somme de règles morales trouvées par l’homme et faites pour l’améliorer mais une altérité divine qui se communique en permanence et qui ne peut ni se comprendre ni s'appréhender hors de ce que Dieu a dit et vécu au moment de présence sur terre dans la personne de son Fils. En somme, ce que l’homme est en droit de percevoir pour diriger son agir et plus encore, pour se comprendre et s’accomplir se trouve dans ce que le Christ lui communique et continue de lui communiquer dans sa seule personne, non des règles forgées par le seul truchement des sens et de l’entendement. Cependant, il nous faut dire que ce dernier argument n’était pas tout à fait accessible aux chrétiens contemporains de Dei Filius. En effet, ce qu’il est de coutume de reprocher à cette constitution dogmatique de Vatican I - concile qui dû être arrêté à cause de la guerre de 1870 - c’est d’avoir trop séparer raison et Révélation, les associant trop facilement à deux voies de connaissance juxtaposées, une voie naturelle, de raison d’une part et une voie surnaturelle, divine d’autre part. En maintenant cette dissociation, il était alors facile pour des penseurs rationalistes et plus particulièrement, des penseurs athées de ne privilégier qu’une seule approche, celle, toute naturelle de la raison

Mais redisons le, Vatican I fut stoppé en cours de route, il fallu donc attendre le second concile du Vatican pour que la Révélation soit proprement présentée comme un lieu d’assentiment de l’intelligence et de la volonté humaine dans lequel l’Esprit de Dieu soutient et vivifie les croyants. On trouve ainsi : « Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de cette Révélation, l’Esprit Saint ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite» - Concile Vatican II, Constitution Dogmatique Dei Verbum § 5 -.

13 mai 2011

Pour une lecture chrétienne de l'actualité

Avez-vous remarqué comme la culture dans laquelle nous vivons est marquée par l’immédiateté ?
La société à laquelle nous appartenons contient des nécessités, des absolus, des obligations qui sont autant de valeurs et de courants favorisés sans qu’ils soient pour autant nécessairement présents à la conscience collective. Parmi les impératifs sociétaux, on trouve, de façon de plus en plus prégnante, celui de dire la vérité, toute la vérité et tout de suite. Sans nous en rendre compte, nous devenons de plus en plus captivés par cette possibilité que la pression médiatique provoque, celle de nous procurer en un temps record une information, sur le fonctionnement de l’une ou l’autre institution de notre pays, sur le train de vie de tel ou tel ministre, sur la dernière réplique en off d’un grand décideur ou d’un dans grand financier. Cette captation de notre attention sera d’autant plus forte que l’information ainsi transmise provoquera des conséquences importantes et même durables : le fait brut relaté nous fascinera d’autant plus que nous en auront saisi la force, l’inertie, la logique le tout dans un temps très court.
Nous sommes ainsi investis par le dernier sujet du moment et nous souhaitons chaque jour revenir à la source médiatique qui nous l’a procuré afin de suivre son évolution et ses conséquences. Mais tout autant, nous nous investissons en lui ; nous souhaitons voir si les faits observés engendrent toujours en nous les mêmes sentiments, nous voulons pouvoir retrouver notre diagnostique personnel dans une colonne ou un édito et aussi savoir si nos éventuels pronostiques se confirment. Le sujet nous interpelle, c’est vrai, mais l’intensité médiatique est parfois telle que, d’une certaine manière, nous cherchons aussi à nous en emparer.  Qui n’a pas fait cette expérience de possession dans sa prise de connaissance des intenses événements des derniers mois ? – lors des premières manifestations en Tunisie, ou encore, alors que des chars pénétraient les métropoles de Libye, ou enfin lorsque la péninsule japonaise subissait la plus grande vague sismique de son histoire – .

Mais pourquoi sommes-nous captivés ou plutôt captés de la sorte ? Un jour, des peuples dont nous sommes proches se soulèvent, un autre, une région d’Asie est ravagée par un raz-de-marée qui provoque une catastrophe nucléaire gravissime, énoncés de la sorte, ces faits bruts ne peuvent qu’interpeller la moindre personne sensée. Mais dans l’intensité du moment, dans la surenchère médiatique d’opinions, d’informations, de controverses qu’est-ce qui nous empêche d’éteindre notre télé, de prêter moins d’attention à ce site d’information, de fermer un peu ce journal qui décidément ne change pas de sujet depuis trois jours ? Sommes-nous soudain à ce point concernés que nous désirions mobiliser autant notre curiosité comme notre intellect ? Cela pose la question de notre investissement dans les faits énoncés mais avant tout, disons-le tout de suite, de notre rapport au savoir et ultimement à la vérité. Bien sûr, le Chrétien a pour lui des clefs de lecture face au bruit médiatique, à l’agitation de ces forces titanesques qui cherchent à dire et à exposer ; il croit qu’il peut dans l’histoire reconnaître l’œuvre de Dieu, celle de son Esprit agissant au plus secret des cœurs en vue de l’avènement du Royaume annoncé dans l’Evangile. Le Chrétien, dans sa lecture quotidienne recherche le cri authentique et total du vivant qui gémit, humblement, au nom de lui-même et de ceux qui lui sont chers. Seulement, tant en conservant et cultivant une sensibilité éthique, il ne reste pas être dupe du mode d’accès au savoir et à la vérité que les médias imposent à la société dont il fait partie.

« Qu’est-ce que la vérité ? », la question de Pilate face à Jésus dans l’évangile ne peut être perçue sans une certaine ironie tant Jean, au début de son évangile écrit que Jésus est la vérité, le logos. Et Pilate, tout en se lavant les mains au sujet du sort de Jésus indique pourtant dans ses paroles, une interrogation essentielle pour l’humanité mais dans cette scène, tout se passe comme si, tout en posant la question, elle jugeait le Christ, sans jamais arriver à lier la personne de Jésus avec cette interrogation. Aveuglée, elle finit par nier celui qui précisément est réponse à son cri. Pour le Chrétien en effet, la vérité est le Christ, annoncé aussi comme chemin et vie et auquel on ne saurait préférer tout autre accès d’accomplissement ; reconnaître le Christ comme tel revient alors à le situer comme principe de toute perception, de toute représentation humaine et de tout aboutissement. Finalement, on peut dire que le Chrétien, en choisissant le Christ, acquiert un prisme au moyen duquel il accepte de tout percevoir et de tout comprendre ; il met sa foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui a pris chair humaine afin de le sauver ; une alliance qu’il vit avec la certitude qu’elle représente un lieu de libération pour lui-même et pour le reste du monde.
Si donc l’actualité se trouve brusquement animée et si la machine médiatique s’emballe, en même temps qu’il se voit percuté par les informations et aimanté par leur intensité, celui qui croit en Jésus n’a d’autre mission que de leur rechercher une cohérence, une épaisseur, perçues non de façon simplement intellectuelle – par le truchement de principes scientifiques ou émanant des sciences politiques ou plus largement des sciences humaines – mais purement révélée, purement christocentrée. Voilà un exercice auquel le monde contemporain se trouve totalement étranger et qui force à constater que le vrai ne se donne pas à saisir instantanément ni même forcément de façon individuelle tant l’accès au Christ lui-même est normalement toujours procuré par des médiations dites « secondes » – le prochain mais la Bible, les Sacrements et l’Eglise – . De façon presque paradoxale avec ce qu’exige notre époque, il résulte que percevoir une information de façon trop intime, trop exclusive et surtout trop immédiate  ne semble pas d’emblée correspondre à la meilleure façon de s’informer, c’est-à-dire à la façon la plus humaine et la plus véridique !
Dans l’Ecriture, l’immédiateté semble liée à la convoitise personnelle et fait bien figure de tentation : Adam et Eve, séduits par la possibilité de connaître par eux-mêmes et pour eux-mêmes le bien et le mal, le diable au désert incitant Jésus à combler sa faim en changeant des pierres en pain.
Restons vigilants, soyons donc des lecteurs attentifs et véritables !

25 mars 2011

La foi en question ?

Un rapide parcours historique parmi certains des courants de pensée philosophiques et théologiques suffit pour comprendre à quel point la foi, au plein sens chrétien du terme a été objet de si nombreuses discussions et aussi de querelles, de controverses concernant sa nature même, c’est-à-dire sa capacité à procurer à l’homme ce dont il pourrait avoir besoin pour conduire sa vie et être heureux. La foi catholique a questionné, elle fut remise en cause dans son contenu même mais aussi dans les diverses instances qui la portent et l’annoncent - l’Ecriture Sainte, le Magistère de l’Eglise et la Tradition depuis ses plus éminents théologiens jusqu’à ses plus grands spirituels -. 


Depuis hier, s’est ouvert devant la cathédrale Notre-Dame, à l’initiative du Pape, «Le parvis des Gentils» qui se veut comme un espace de dialogue avec le monde contemporain, en particulier avec les non croyants de notre époque. Nous pourrions nous interroger sur les raisons qui ont amené le Pape à solliciter l’organisation d’un tel événement - Benoit XVI donnera ce soir une conférence depuis le Vatican, retransmise sur le parvis -. L'intérêt qu’il porte au dialogue théologique et philosophique pourrait suffire dirions-nous mais Joseph Ratzinger est aussi un pasteur songeant, en Europe, à celles et ceux de ces intellectuels français qui comme on dit populairement, n’ont pas la foi et qui peut-être auraient en eux une attente secrète et profonde, peut-être comme un appel à un certain changement existentiel. Mais pourquoi ne pas «simplement» écrire un livre alors ou encore publier une lettre ? Il faut croire que ces médias très classiques ne peuvent plus suffire à interpeller. En Europe et particulièrement en France, le discours théologique n’a pas sa place dans les tribunes médiatiques habituelles car faire référence à Dieu dans son discours sur la société, l’éthique, l’éducation, la politique ou bien même la religion - ! - rend irrémédiablement suspect, aveugle et prosélyte. De la sorte, ce qui chez les chrétiens se veut le plus empreint de rationalité, la théo - logie se trouve assez facilement ignoré dans nos agora modernes, sous prétexte que pour pratiquer la théologie, il faut, en premier lieu - a priori - avoir la foi, ce qui doit pour certains constituer une hypothèse des plus étranges. 
Tout chrétien sait pertinemment que la foi n’est pas tout à fait une hypothèse comme la science pourrait en formuler mais qu’elle n’est pas non plus de ces évidences qui jaillissent par le seul truchement des sens. Non assurément, la foi chez un homme ou une femme participe d’un processus complexe et lent. En effet, autant poser une hypothèse dans un raisonnement scientifique représente par définition la base solide et intouchable dont toute une démonstration va découler, autant la foi peut-elle être, elle-même, approfondie - dite différemment - lorsque en elle et par elle le chrétien s’adonne à la réflexion théologique. 


Dans ce dernier domaine, il faut à la fois prendre les données de foi comme référence lorsqu’on réfléchit sur une question  - comme des normes ou des balises -, mais tout en hésitant pas s’il le faut à remettre en cause les concepts et les enchaînements logiques de ces données, si par exemple une impasse dans le raisonnement se fait jour. On comprend donc que la théologie part de la foi comme base de réflexion pour arriver à elle comme en un lieu d’explicitation mais sans jamais s’en détacher. Ainsi, le raisonnement théologique entretient, explicite et donne un ancrage à la foi. Saint Anselme disait : «Je crois pour comprendre, je comprends pour croire». 
En conséquence, la théologie aide à (mieux) croire mais elle ne se veut pas discours abstrait et pieux au sujet du divin, elle est l’acte de la foi par lequel cette dernière communique avec le monde en écoutant ses aspirations les plus profondes. Ainsi, elle tente sinon de leur procurer du sens, au moins de leur donner un nom. La théologie, la foi mise en acte entend modestement et prudemment proposer aux hommes un rapport que nous pouvons qualifier de «naturel» aux choses et à Dieu dans le but d’en vivre - autrement dit, elle se veut servante de l’évangile -. 


D’aucun dira qu’il n’a que faire de la foi, qu’un tel message ne l’intéresse pas, qu’il n’a jamais eu de rapport avec l’Eglise et que c’est très bien ainsi. Cette attitude, il nous faudra toujours en tant que Chrétiens la respecter mais aussi et surtout mieux la comprendre. 
Hier, dans le monde.fr, on pouvait lire un bon interview du Cardinal Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical pour la culture par Stéphanie Le Bars. En voici la dernière question : 

L'Eglise catholique est-elle prête à parler avec toutes sortes de courants, y compris les militants athées ?
Vous savez que dans la Bible, ce n'est pas l'incroyant qui est l'ennemi numéro un, mais l'idolâtre !

10 mars 2011

De quoi s'agit-il ?

        De manière à entamer une réflexion dans le domaine de la théologie fondamentale, nous pouvons tout d’abord nous demander ce qu’on entend par «fondamentale». 
La théologie tout d’abord : une science qui se donne comme but de réfléchir au sujet de Dieu. En particulier, dans ce blog, le discours sur Dieu tente d’évoquer le Dieu révélé dans l’histoire par la personne de Jésus-Christ. Mais pourquoi existe t-il une théologie fondamentale ? Il y a bien-sûr plusieurs domaines dans la théologie chrétienne, que je ne prends pas le temps d’énumérer, pourtant on ne peut pas dire rigoureusement que la théologie fondamentale soit un discours particulier, qui répondrait à une sous-question du discours théologique. Cette théologie est dite «fondamentale» parce qu’elle se propose de réfléchir à la pertinence même de la théologie et ce, pour une époque donnée. Autrement dit, la théologie fondamentale doit être abordée comme un discours au sujet de la théologie elle-même afin d’aider cette dernière à rester ce qu’elle doit être c’‘est-à-dire une entreprise missionnaire. Car enfin lorsque l’on parle de Dieu, ce n’est pas pour Dieu lui-même ou alors on appellerait mieux cela de la louange mais c’est bien à destination des hommes et des femmes de notre temps. 
Pratiquement, qu’allons-nous faire ? 
Quiconque étudie la théologie fondamentale doit tout d’abord opérer intérieurement une sorte de grand écart : cela consiste d’une part à avoir un pied dans la sphère théologique, les grandes questions auxquelles elle tente de répondre et un autre, dans le monde de tous les jours, notre époque avec ses pratiques et ses idées. Cette première contorsion semble être une base essentielle, c’est par elle que le discours de la théologie fondamentale prend naissance. Puis, toute la dynamique de notre blog consistera à tenter de lier ces deux univers. Nous aurons ainsi à coeur de mener une réflexion qui tiendra compte des courants - philosophiques et théologiques - de notre temps et proposera une réponse chrétienne aux aspirations, aux élans, aux sensibilités qui fondent ces derniers. Avec cela, nous pourrons aussi partir de l’une ou l’autre conception glanée dans la presse ou bien dans une réaction à cet article, pour tenter de voir ce que la théologie chrétienne et catholique peut répondre. Nous passerons ainsi notre temps à fabriquer intellectuellement ce qu’un prêtre tente d’être toute sa vie : à sa mesure, à notre mesure, un pont entre Dieu et les hommes. 
De fait, notre démarche suppose d’une part une grande honnêteté intellectuelle vis-à-vis des conceptions philosophiques et théologiques qui serons abordées mais aussi un profond respect de la foi de chacun, quelque soit sa religion ou l’idée qu’il a de Dieu. Tout lecteur pourra donc écrire librement ses réflexions dans ce blog et j’essaierai, avec le plus simplicité et de discernement d’apporter un éclairage chrétien pour notre temps.