13 mai 2011

Pour une lecture chrétienne de l'actualité

Avez-vous remarqué comme la culture dans laquelle nous vivons est marquée par l’immédiateté ?
La société à laquelle nous appartenons contient des nécessités, des absolus, des obligations qui sont autant de valeurs et de courants favorisés sans qu’ils soient pour autant nécessairement présents à la conscience collective. Parmi les impératifs sociétaux, on trouve, de façon de plus en plus prégnante, celui de dire la vérité, toute la vérité et tout de suite. Sans nous en rendre compte, nous devenons de plus en plus captivés par cette possibilité que la pression médiatique provoque, celle de nous procurer en un temps record une information, sur le fonctionnement de l’une ou l’autre institution de notre pays, sur le train de vie de tel ou tel ministre, sur la dernière réplique en off d’un grand décideur ou d’un dans grand financier. Cette captation de notre attention sera d’autant plus forte que l’information ainsi transmise provoquera des conséquences importantes et même durables : le fait brut relaté nous fascinera d’autant plus que nous en auront saisi la force, l’inertie, la logique le tout dans un temps très court.
Nous sommes ainsi investis par le dernier sujet du moment et nous souhaitons chaque jour revenir à la source médiatique qui nous l’a procuré afin de suivre son évolution et ses conséquences. Mais tout autant, nous nous investissons en lui ; nous souhaitons voir si les faits observés engendrent toujours en nous les mêmes sentiments, nous voulons pouvoir retrouver notre diagnostique personnel dans une colonne ou un édito et aussi savoir si nos éventuels pronostiques se confirment. Le sujet nous interpelle, c’est vrai, mais l’intensité médiatique est parfois telle que, d’une certaine manière, nous cherchons aussi à nous en emparer.  Qui n’a pas fait cette expérience de possession dans sa prise de connaissance des intenses événements des derniers mois ? – lors des premières manifestations en Tunisie, ou encore, alors que des chars pénétraient les métropoles de Libye, ou enfin lorsque la péninsule japonaise subissait la plus grande vague sismique de son histoire – .

Mais pourquoi sommes-nous captivés ou plutôt captés de la sorte ? Un jour, des peuples dont nous sommes proches se soulèvent, un autre, une région d’Asie est ravagée par un raz-de-marée qui provoque une catastrophe nucléaire gravissime, énoncés de la sorte, ces faits bruts ne peuvent qu’interpeller la moindre personne sensée. Mais dans l’intensité du moment, dans la surenchère médiatique d’opinions, d’informations, de controverses qu’est-ce qui nous empêche d’éteindre notre télé, de prêter moins d’attention à ce site d’information, de fermer un peu ce journal qui décidément ne change pas de sujet depuis trois jours ? Sommes-nous soudain à ce point concernés que nous désirions mobiliser autant notre curiosité comme notre intellect ? Cela pose la question de notre investissement dans les faits énoncés mais avant tout, disons-le tout de suite, de notre rapport au savoir et ultimement à la vérité. Bien sûr, le Chrétien a pour lui des clefs de lecture face au bruit médiatique, à l’agitation de ces forces titanesques qui cherchent à dire et à exposer ; il croit qu’il peut dans l’histoire reconnaître l’œuvre de Dieu, celle de son Esprit agissant au plus secret des cœurs en vue de l’avènement du Royaume annoncé dans l’Evangile. Le Chrétien, dans sa lecture quotidienne recherche le cri authentique et total du vivant qui gémit, humblement, au nom de lui-même et de ceux qui lui sont chers. Seulement, tant en conservant et cultivant une sensibilité éthique, il ne reste pas être dupe du mode d’accès au savoir et à la vérité que les médias imposent à la société dont il fait partie.

« Qu’est-ce que la vérité ? », la question de Pilate face à Jésus dans l’évangile ne peut être perçue sans une certaine ironie tant Jean, au début de son évangile écrit que Jésus est la vérité, le logos. Et Pilate, tout en se lavant les mains au sujet du sort de Jésus indique pourtant dans ses paroles, une interrogation essentielle pour l’humanité mais dans cette scène, tout se passe comme si, tout en posant la question, elle jugeait le Christ, sans jamais arriver à lier la personne de Jésus avec cette interrogation. Aveuglée, elle finit par nier celui qui précisément est réponse à son cri. Pour le Chrétien en effet, la vérité est le Christ, annoncé aussi comme chemin et vie et auquel on ne saurait préférer tout autre accès d’accomplissement ; reconnaître le Christ comme tel revient alors à le situer comme principe de toute perception, de toute représentation humaine et de tout aboutissement. Finalement, on peut dire que le Chrétien, en choisissant le Christ, acquiert un prisme au moyen duquel il accepte de tout percevoir et de tout comprendre ; il met sa foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui a pris chair humaine afin de le sauver ; une alliance qu’il vit avec la certitude qu’elle représente un lieu de libération pour lui-même et pour le reste du monde.
Si donc l’actualité se trouve brusquement animée et si la machine médiatique s’emballe, en même temps qu’il se voit percuté par les informations et aimanté par leur intensité, celui qui croit en Jésus n’a d’autre mission que de leur rechercher une cohérence, une épaisseur, perçues non de façon simplement intellectuelle – par le truchement de principes scientifiques ou émanant des sciences politiques ou plus largement des sciences humaines – mais purement révélée, purement christocentrée. Voilà un exercice auquel le monde contemporain se trouve totalement étranger et qui force à constater que le vrai ne se donne pas à saisir instantanément ni même forcément de façon individuelle tant l’accès au Christ lui-même est normalement toujours procuré par des médiations dites « secondes » – le prochain mais la Bible, les Sacrements et l’Eglise – . De façon presque paradoxale avec ce qu’exige notre époque, il résulte que percevoir une information de façon trop intime, trop exclusive et surtout trop immédiate  ne semble pas d’emblée correspondre à la meilleure façon de s’informer, c’est-à-dire à la façon la plus humaine et la plus véridique !
Dans l’Ecriture, l’immédiateté semble liée à la convoitise personnelle et fait bien figure de tentation : Adam et Eve, séduits par la possibilité de connaître par eux-mêmes et pour eux-mêmes le bien et le mal, le diable au désert incitant Jésus à combler sa faim en changeant des pierres en pain.
Restons vigilants, soyons donc des lecteurs attentifs et véritables !

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